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Musées et réalité virtuelle : une nouvelle ère pour la culture ?

Alena Kostyk , Associate Professor
Laurence Dessart , HEC Liege
Kirsten Cowan , University of Edinburgh
Michael Schyns , HEC Liege

Dans cet article, initialement publié dans The Conversation France, Alena Kostyk, Professeure associée à l'EDHEC et ses co-auteurs s'intéresse à la place prise récemment par la réalité virtuelle dans les musées, et aux avantages et limites de cette technologie.

Temps de lecture :
5 déc 2024
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La réalité virtuelle est une technologie qui transporte les utilisateurs dans un environnement artificiel où ils naviguent et interagissent. De plus en plus de musées l’utilisent pour attirer les visiteurs ou augmenter l’expérience sur place. Le marché global du tourisme virtuel a décollé durant la pandémie de Covid-19. Il s’élevait à près de 8 milliards de dollars US en 2023. D’ici 2032, ce chiffre d’affaires devrait être multiplié par onze.

 

Aujourd’hui, l’intérêt des institutions culturelles pour la technologie immersive est plus élevé que jamais. Ce constat s’explique par plusieurs facteurs, notamment une volonté de rendre les expériences de visite plus mémorables, et d’autre part, le désir de démocratiser l’accès au patrimoine. Pourquoi le secteur des musées a-t-il été un pionnier dans l’utilisation de cette technologie ? Quels sont les bénéfices pour les utilisateurs ? Quels défis et perspectives d’avenir se profilent ? Le point la réalité virtuelle au sein des musées.

 

Commençons d’abord par définir cette technologie. Stricto sensu, la réalité virtuelle n’est accessible que via un équipement spécialisé, comme un casque ou un CAVE (espace dans lequel les murs, le sol et le plafond agissent comme des surfaces de projection géantes pour créer un environnement virtuel hautement immersif). Les musées s’équipent souvent de casques, comme l’a fait le musée d’Orsay avec « Un soir avec les impressionnistes au musée d’Orsay », mais ces casques sont également commercialisés au grand public pour usage privé. Par ailleurs, on peut considérer que les vidéos en 360 degrés (ou panoramiques), accessibles sur un simple écran d’ordinateur ou de smartphone, constituent aussi des environnements virtuels immersifs. Cette approche est plus démocratique, car elle ne nécessite pas de matériel spécialisé, qui est encore souvent assez cher.

 

Initialement, les musées ont utilisé la réalité virtuelle pour maintenir l’accès à l’art pendant la pandémie. Le Musée du Louvre fût un des précurseurs de ce mouvement, avec la mise en place en 2020 de « En tête à tête avec la Joconde », une expérience virtuelle permettant d’examiner l’œuvre de Léonard de Vinci en détail, directement sur son smartphone en période de confinement, puis via un casque de réalité virtuelle au musée.

 

La réalité virtuelle a donc permis de maintenir l’accessibilité aux lieux, mais aussi de voir cette œuvre emblématique dans de bonnes conditions, plutôt qu’au milieu d’une foule. Cela est particulièrement vrai pour les sites du patrimoine mondialement connus, comme La chapelle Sixtine au Musée du Vatican.

 

Des expériences de visite marquantes

Une des grandes forces de la réalité virtuelle est de permettre à l’utilisateur d’interagir avec l’environnement en temps réel, quel que soit son profil : la réalité virtuelle est hautement personnalisable en fonction de l’âge, des niveaux d’éducation ou d’habiletés motrices. Une visite relativement passive devient donc une expérience active, qui stimule l’engagement, la curiosité et permet de mémoriser des informations de façon plus dynamique.

 

Dans une étude récemment menée avec un musée de sciences naturelles en Belgique, le fort potentiel de la réalité virtuelle de générer des souvenirs durables a été démontré. L’installation immergeait le visiteur dans des interactions avec des créatures marines, et racontait leur histoire tout en permettant d’interagir avec elles (ex. : attraper des crabes sur la plage, donner à manger à des marsouins en pleine mer). Ce projet a démontré que les expériences touristiques en réalité virtuelle forment des souvenirs forts, qu’ils soient épisodiques (liés aux événements autobiographiques, l’expérience personnelle et sa séquence) ou sémantiques (liés au contenu de l’information présentée).

 

Une visite incorporant une expérience de réalité virtuelle crée aussi des souvenirs plus précis qu’une visite classique. À mesure que le temps passe (les chercheurs ont attendu 4 semaines), les visiteurs ayant vu la réalité virtuelle sont également plus certains de leurs souvenirs épisodiques. Cette étude démontre l’intérêt de la réalité virtuelle dans le cadre direct de la visite, mais aussi au-delà, grâce à la formation de souvenirs durables.

 

 

Préservation du patrimoine et accès des publics

La réalité virtuelle permet aussi de créer des archives digitales qui seront accessibles aux générations futures et maintiennent intact l’héritage culturel. En digitalisant des espaces qui risquent d’être détériorés ou de disparaître, des objets difficilement transportables, ou simplement en recréant des sites anciens datant d’époques révolues, la réalité virtuelle donne accès à un monde peu connu de façon plus immersive, personnelle et émotionnelle.

 

Par exemple, suite à l’incendie de 2019 qui a ravagé Notre-Dame de Paris, l’expérience Éternelle Notre Dame a été réalisée, permettant de visiter Notre-Dame avec une perspective à la fois historique, puisque l’utilisateur est plongé dans le passé, et moderne. Éternelle Notre-Dame a rendu « accessible » ce haut lieu du patrimoine français pendant les travaux de reconstruction.

 

Par ailleurs, la réalité virtuelle permet d’atteindre des audiences qui ne pourraient pas visiter les lieux en personne, que ce soit pour des raisons de mobilité, de santé ou de contraintes de voyages. À cet effet, Éternelle Notre Dame peut aussi bien se réaliser sur le parvis de Notre-Dame dans un lieu dédié à l’expérience en RV, que via un casque de RV personnel, chez soi.

 

Un autre exemple concerne le Smithsonian American Art Museum aux États-Unis qui a créé une visite virtuelle du festival Burning Man. Les visiteurs peuvent découvrir Burning Man, ce festival d’art contemporain très populaire aux États-Unis, et s’immerger dans son univers.

 

Les limites de la réalité virtuelle

Si la réalité virtuelle a bien des vertus pour le secteur culturel, elle a aussi quelques limites. Tout d’abord, la RV est plus immersive avec un casque spécialisé (de type Meta Quest ou Apple Vision Pro). Or, musées et individus ne peuvent pas aisément s’en équiper, à cause de leur prix encore élevé.

 

La réalité virtuelle peut aussi paraître complexe à utiliser pour les néophytes. Les casques ne sont pas toujours intuitifs à utiliser ou mettre en place, et nécessitent souvent l’aide d’une tierce personne lors de la première utilisation.

 

Dans certains cas, les visites virtuelles peuvent se réaliser sans équipement complexe, sur ordinateur ou smartphone. Ces formes de réalité virtuelle sont particulièrement adaptées aux petites organisations à but non lucratif, comme la visite virtuelle du Musée de l’exploitation minière du plomb de Wanlockhead en Écosse. C’est aussi ce que propose Google Museum Views. Ces visites virtuelles en 360 degrés, moins immersives et interactives, permettent quand même de se projeter dans une visite réelle.

 

Un horizon d’innovations prometteuses

Si la réalité virtuelle a déjà permis à de nombreux musées de se positionner comme avant-gardistes et accessibles dans un monde en pleine mutation digitale, les opportunités qu’offre la réalité virtuelle demeurent encore nombreuses.

 

Les musées peuvent capitaliser sur ces expériences pour mieux comprendre le comportement des consommateurs, récolter des données et adapter leurs expositions aux préférences des utilisateurs. Des échanges d’environnements immersifs peuvent se faire entre musées à travers le monde. Enfin, ceux-ci peuvent aussi collaborer avec les écoles et universités pour proposer ces environnements aux élèves, dans leurs cours d’art, d’histoire ou d’innovation, comme cela se fait déjà dans certaines institutions. Le potentiel de la réalité virtuelle reste riche et prometteur pour le secteur de la culture et du tourisme.

 

 

Cet article de Laurence Dessart, Professeur de marketing, Université de Liège; Alena Kostyk, Associate Professor of Marketing, EDHEC Business School; Kirsten Cowan, Senior Lecturer in marketing, University of Edinburgh et Michaël Schyns, Professeur en Digital Business, Université de Liège a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

 

Photo de Igor Omilaev sur Unsplash

The Conversation

 

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